Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 5.djvu/182

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

celles qu’il avait voulues. Car dans la lutte, on (Timon) ne se soucie pas de vérité ! On se soucie de « tomber » l’adversaire. Et il ne se donnait pas la peine de tout expliquer à la secrétaire ; à elle, de deviner — et sur-le-champ — ses intentions ! Timon ne laissait pas l’encre refroidir. Si tôt sorti du four, si tôt servi. Brûle-toi les doigts ! Et gare à toi, si tu laisses tomber ! … La main de Annette ne bronchait pas… Le patron lui exposait carrément ses ruses d’action, les gros dessous de ses articles, sa conception du journal et de la vie. Il savait qu’elle ne l’approuvait point. Mais elle l’acceptait comme un spectacle. Et c’était lui qui avait payé la place. Elle n’avait pas le droit de siffler. Il le lui disait :

— « Ce n’est pas l’envie qui t’en manque ! Je vois tes lèvres qui avancent… Allons, vas-y ! Pour une fois. Je te permets. »

Elle y alla. Elle siffla. — Il lui coupa, du geste, le sifflet :

— « Ferme !… Et maintenant, tape exactement ce que j’ai dit ! »

Elle tapait. — C’était le poing de Timon qui tapait sur la tête du monde. Il avait sa revanche à prendre.