Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 5.djvu/199

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bras, de la combler, d’assécher, s’il le faut, les marais ? Et quand tout serait dans l’eau, est-ce qu’il n’y en a pas eu d’autres, dans les temps, qui ont bâti leurs maisons et leur vie nouvelle sur pilotis ? »

— « Et pour quoi faire ? Pour y pondre, comme ils ont fait, dans leurs marais, leurs têtards ? Non, non, c’est bien assez de ceux qui restent ! Je ne tiens pas à y ajouter, ni à perpétuer ma race. Assez d’une vie ! Je ne recommence pas. Mais celle que j’ai, j’entends au moins en presser le jus. »

— « Et après ? »

— « Après, la m… ! »

Annette détournait la tête, irritée, le mufle froncé.

— « Mal aux oreilles ? » lui demandait, narquois. Timon.

— « Non !… Mal au cœur. La nausée. »

Elle lui braquait son regard au front.

— « C’est bien la peine de juger et de mépriser ces autres, qui usurpent la domination sans être capables de s’en servir, pour faire comme eux ! »

— « Mais moi, je vois ce qu’ils ne sont même pas foutus de voir. »

— « Quoi ? »

— « Leur néant. Le mien. Le tien. Le néant de tout. »

— « Parlez du vôtre, si cela vous plaît ! dit Annette, sèchement. Mais non du mien. »

— « Tiens, tiens, tiens, tiens ! fit Timon, intéressé. Tu prétends à un traitement spécial ? »

— « C’est mon affaire. »

— « Et tu m’abandonnes à la mienne ? »

— « C’est vous qui vous y abandonnez ! N’est-ce pas honteux ? Vous avez été de taille à vous colleter avec tous les risques de la vie. Et vous allez vous buter, lâchement, contre le Néant !… Pff !… (Elle soufflait des lèvres)… Le Néant n’est qu’un ennemi de plus, comme les autres. Tordez-lui le cou !… Vous