Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 5.djvu/237

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avait rougi de tout son corps. Elle avait eu hâte de rentrer pour dépouiller la funeste robe, et elle l’avait rangée dans son armoire, pour ne l’en plus sortir. (Elle entr’ouvrait parfois l’armoire, avec tendresse et dépit, pour la regarder.)… Mais le mal était fait. Le fils jaloux n’oubliait pas. Elle avait formellement interdit à Timon de lui renouveler ses présents. Elle se condamnait à conserver son modeste train de vie et son appartement étriqué. Elle imaginait trop bien, s’il venait, les yeux inquisiteurs de Marc, inspectant tout. Timon, à qui elle n’avait point caché les raisons d’une « abstinence », qui ne répondait pas à ses goûts — (elle eût joui d’un peu de confort : une échine de cinquante ans l’apprécie mieux que de jeunes reins) — Timon raillait et s’exclamait :

— « Mais, nom d’un chien ! Tu aurais moins d’égards à faire cocu un mari ! »

Elle répondait, sur le même ton :

— « Assurément. Cela va de soi ! Le mari prend ce qu’on lui donne. Ce que Dieu donne, il peut le reprendre. Mais ce que Dieu lui-même ne peut pas, c’est se déprendre de son fils. Son fils est sorti de sa maison ; et sa maison est à son fils. Il lui en doit compte. Et je dois compte de la mienne. Un mari n’est qu’un locataire. Le propriétaire de ma maison, c’est mon fils. »

— « Pour ce qu’il en fait !… Je suis l’intendant, je la fais valoir. »

Annette toisa Timon :

— « Je ne suis pas une maison de rapport… Ne t’occupe pas de ma maison ! J’en ai la clef, et je la garde… Mon vieux Timon, je te remercie ; mais occupons-nous de la tienne ! Tu me paies pour la gérer. Ne perdons pas notre temps en sornettes ! »

Timon lui disait, après des jours, parfois des nuits de travail acharné, quand il l’obligeait à prendre un bref congé :