Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 5.djvu/268

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elle non plus n’en témoignait rien. Elle comprenait que ce n’était point impudence, mais témoignage d’allégeance : il se livrait, avec ses hontes, pieds et poings liés. Et l’on ne pouvait le soupçonner de je ne sais quel malsain étalage moral, à la Jean-Jacques. On le devinait rougissant, se disant : — « Elle me méprisera, cette fois… Tant pis ! Je dois… » Maintenant, ils étaient sûrs : rien d’eux qu’ils confessaient à l’autre, l’autre ne le renierait. « Le mien est tien. Le tien est mien… » C’est grande fortune, dans le chaos des jours, que cette communion du sang. Marc et Annette lui durent, à plus d’une heure, le salut. Quand de lassitude et de dégoût, le sang reflue au cœur, le rythme régulier des valvules qui se contractent relance le sang dans les artères. Il n’est même pas besoin que la réponse soit arrivée. L’appel suffit, pour qu’on perçoive la systole. D’avoir écrit, Marc fut soulagé, pour une nuit.

Et six jours après, il eut la surprise de voir entrer Jean-Casimir. C’était le dernier qu’il eût attendu ! Il balbutia :

— « Tu as reçu ?… « 

— « J’ai reçu ta lettre, dit Jean-Casimir. J’aurais dû lire l’affaire dans les journaux. Mais tu as bien fait de me l’écrire. L’événement m’avait échappé. »

— « Et d’où viens-tu ? »

— « De Prague, naturellement. J’ai pris l’avion pour Strasbourg. Il y a déjà trois jours que je suis ici. Je ne suis pas venu te voir plus tôt, parce que je suis allé droit au plus urgent. Tu ne m’en veux pas ? »

— « Jean-Casimir ! »

Marc l’embrassa.

— « Je crois n’avoir pas perdu mon temps, poursuivit l’autre. Mais je te le dis tout de suite, je crains que nous ne puissions rien. »

— « Quoi que nous puissions, tout le possible, nous devons le faire. »