Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 5.djvu/269

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— « C’est ce que je pense. Mais le possible ne va pas loin. Tu sais déjà ce qu’il faut attendre des amis. »

— « Oui te l’a dit ? »

— « J’ai fait leur tour. J’ai trouvé ta trace sur leur seuil. »

Marc se répandit en invectives contre eux. Jean-Casimir dit :

— « Ils sont ce qu’ils sont. Tu te fais toujours des illusions ? »

— « Je n’en ai aucune. Et je m’obstine à espérer que je fais tort aux hommes. Mais ils sont encore pires que je ne les jugeais. Et le pire de tout, ce sont les femmes. »

Quelques mots brutaux et accablés laissèrent voir sa hantise de la haine atroce qu’il avait vue et touchée dans le silence de Ruche. Jean-Casimir dit :

— « Oui, Mais elle a peut-être ses raisons de haïr. »

Marc fut saisi :

— « Quoi ? Quelles raisons ? Contre Simon ? »

— « Contre Simon, ou contre un autre, toi, moi ? n’importe ! Elle hait quelqu’un, ou tous les hommes… L’as-tu bien regardée ? Qu’elle ait ses raisons, c’est inscrit. »

Marc fut frappé de la perspicacité de cet homme qui passait sur tout sans s’arrêter. Il revit instantanément le visage ravagé de Ruche, il plongea au fond, et il se dit : — « C’est vrai !… » Il demanda :

— « Mais que penses-tu ? »

D’un plissement de lèvres, Jean-Casimir écarta le sujet :

— « Je n’en pense rien. Je n’ai pas le temps d’y penser. Chacun est pris au piège, quelque jour. Elle a laissé de ses plumes, ici ou là. C’est son affaire. Avec ou sans plumes, elle s’en tirera. Les femmes s’en tirent toujours. Occupons-nous de nous, de notre affaire !… »

— « Tu es devenu dur pour elles, dit Marc, tu passais jadis pour être de leur bord. »