Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 5.djvu/326

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Annette se trouvait en Angleterre avec Timon. Quand elle reçut le télégramme bref et brutal, sans signature, elle chancela. Timon lui prit la feuille des mains, lut : (elle n’avait point la force de parler) ; et cet homme dur, qui eût vu mourir un peuple sans broncher, montra une bonté inattendue. Annette, dans son affolement, jetait sur ses épaules son manteau, voulait courir à la gare prochaine, oubliant tout, argent, passeport, effets. Il la retint, il la fit asseoir affectueusement :

— « Allons, mon petit ! Ne perds point la boule ! Prépare-toi, mais tranquillement. Avant quatre heures, tu seras près de ton garçon. »

Et il téléphona à l’aérodrome de tenir prêt immédiatement son avion. Il accompagna dans son auto Annette jusqu’au champ d’aviation. Il la rassurait, chemin faisant, avec une brutale bonhomie, qui ne la convainquait pas, mais la touchait. En la quittant, il était plus ému qu’il ne voulait le laisser voir. Il lui dit :

— « Tu le sauveras. Mais quand tu l’auras sauvé, reviens ! Est-ce que je tiendrai jusque-là ? » Elle dit — (le mot l’effrayait, mais cet effroi était lointain, elle était prise par d’autres pensées) :

— « Rien ne te menace… »

Il répliqua :

— « Moi. Quand je me retrouverai seul avec moi.