Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 5.djvu/331

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— « C’est vous qui êtes d’à côté. Vous êtes chez moi. »

Il ne l’avait pas remarqué… Son regard courut autour de la chambre. Sa tête encore faible fut inondée d’une coulée chaude, et son front rougit. Assia y posa sa main ferme :

— « Allons ! Reste tranquille ! Tu penseras, un autre jour. »

Et, toujours penchée, comme pour remonter l’oreiller, elle expliqua, en mots sommaires qui n’admettaient point de réplique, les événements :

— « Il y avait plus d’air dans cette chambre. Je t’y ai porté. Maintenant, ferme !… Il n’y a rien de plus à penser. »

Elle parlait à mi-voix, brusque ; mais Annette entendit le tutoiement impérieux, qui clouait de saisissement fasciné son fils sur l’oreiller. Et quand Assia, se retournant, croisa son regard avec celui de l’autre femme, elle y lut. Peu lui importait ! Elle n’avait rien à cacher. Mais elle ne tenait pas à parler. Et Annette, respectant ce silence, attendit qu’il plût à l’étrangère d’en dire davantage.

Ils restèrent ainsi, tous les trois, sans se livrer, s’observant. Marc lentement étudiait ce corps, qui lentement l’enveloppait d’un inexplicable attrait. Chacun des traits, séparément, lui était étranger, lui paraissait presque hostile ; et l’ensemble était comme un filet, qui se resserrait sur sa volonté, maille après maille, inextricable. Il s’irritait, il s’acharnait à en découvrir les raisons, il additionnait toutes ses critiques ; il n’arrivait qu’à un total différent des unités additionnées. Et il s’apercevait qu’il n’eût pas voulu effacer un des détails, y rien changer. Chacun était une maille nécessaire du filet. C’est que cette femme n’était pas, comme les autres que l’on aime pour une bouche, un nez, une gorge, des morceaux. Elle existait, et on l’aimait ou la haïssait, pour elle