Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 5.djvu/84

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et lorsqu’elle s’avise, après avoir raconté ses affaires, de s’informer de celles du neveu :

— « Et tu sais, l’argent pleut, en veux-tu ? J’en ai de trop ! »

il répond, de son air le plus dégagé, un peu fat :

— « Oh ! mon Dieu ! si tu veux ! J’en trouverai l’emploi. »

Elle lui dit :

— « Polisson ! Tu ferais mieux de venir t’amuser chez moi. »

Mais elle lui bourre ses poches. Quand il veut l’embrasser, elle lui montre au haut de sa joue l’endroit où ne pas déranger son fard. Elle lui pince le museau : elle le trouve pâli, un peu creusé, joli, le regard plus instruit, — plus intéressant : il n’a point perdu son temps, depuis qu’il est lâché dans le pré…

— « Promets que tu viendras ! Allons, promets !… »

Il dit, avec son impertinence de Chérubin :

— « Promis ! tu as payé d’avance… »

Elle repousse le museau, où la trace des deux pouces s’est marquée :

— « Gueux ! dit-elle en riant. Viens toujours ! tu verras ! Je ne paie jamais qu’après… »

Il attend que l’auto ait filé, pour aller dévorer, au premier restaurant, une tranche de viande saignante. Son souple estomac rattrape, ce soir-là, les deux repas perdus. Et il pense que Sylvie tout à l’heure était belle comme un diable. Quelle braise dans les yeux ! Et quelle odeur ! Il la lèche sur ses lèvres… Pourtant, il n’est pas pressé de tenir sa promesse. Il fait encore la sourde oreille, lorsque, quinze jours après, il reçoit de sa tante un rappel, en coup de vent :

— « Galopin ! Et ta dette ? »

Ah ! non, on n’aura rien de lui, si on le lui demande ainsi. Mais, chaque jour, et surtout quand il vient de lire dans la presse du Parfumeur-Roi que la jolie parfumeuse a, dans ses salons, offert aux maîtres de la