Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/156

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ni « oh ! », ni « ah ! », elle ne demandait rien de plus que ce qu’il voulait bien verser dans son oreille et dans son cœur. Il n’avait pas besoin d’insister. Elle savait. Elle comprenait. Du moins, ses yeux le faisaient croire. Et Marc ne pouvait demeurer en arrière. Il se découvrait, par gratitude, la même intelligente sympathie pour les peines de l’autre. Et d’abord, son attention s’y arrêta, pour la première fois : car jusqu’alors, il ne s’en était jamais soucié. Il voulut bien se détacher un instant des siennes, pour se pencher fraternellement sur celles de la petite danseuse. Aux premières questions qu’il lui en fit, elle répondit par un regard de reconnaissance si éperdue qu’il fut sur le point d’y chavirer. Ils s’assirent à l’ombre d’une statue, dans un square, qu’enveloppait le ronflement des voitures. Elle lui ouvrit sa boîte de Pandore. Mais le même art ingénu, qui l’avait jusque-là guidée, retenait, aux bords de la boîte, les confidences déplacées, ne laissait filtrer entre ses doigts que les aveux doux et touchants d’une tendresse pudique et blessée. Quoique le Marc ne fût rien moins qu’un naïf et qu’il eût pu savoir à quoi s’en tenir sur les effarouchements de la Colombe de corps de ballet, il était prêt, en ce moment, à lui donner, si elle l’eût demandé, le bon Dieu sans confession. C’était le diable qu’elle eût demandé !… Le diable aussi était tenté. Mais Marc s’obstinait à défendre l’intégrité de son veuvage. Il avait beau regarder comme morte l’infidèle. Justement ! Il y mettait son point d’honneur. L’orgueil était complice de l’amour, nié et renié, pour cette femme qui l’avait trompé : aussi, la haine, le mépris furieux, qu’il se croyait tenu de professer pour toutes les femmes, et qu’il ne voulait pas abdiquer. Il pensa donc maintenir dans la zone neutre de l’amitié fraternelle l’intérêt qu’il consentait à s’avouer pour les beaux yeux plaintifs de la petite danseuse et pour sa bouche