Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/172

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l’avait pas été, avant. Pourquoi le resterait-il, après ? Elle se révoltait, elle l’insultait, elle le mettait nu, pour le déprécier, comme un lièvre maigre, dont l’acheteur tâte les flancs au marché. Il était laid et efflanqué, faible et violent, tendre et brutal, une flamme folle, intermittente, médiocre au lit et passionné, triste gibier…

— « Le voilà, votre lièvre, le reprenne qui veut !… Je vous le jette au nez… »

À peine jeté…

— « À moi ! je le garde !… »

Mais elle n’entendait pas qu’il la gardât, qu’il la hantât. Elle accepta, elle donna un rendez-vous, afin de se désenvoûter… « Attendez-moi sous l’orme ! » Elle n’y alla point… Le seul qui fut sur le point de triompher fut Jean-Casimir, qu’elle rencontra et qui lui fit une cour effrontée : c’est qu’il était, pour elle, un faux alter ego de Marc ; et lui, le larron, c’était peut-être aussi à Marc qu’il en avait, quand il voulut piller son nid. Mais aussitôt (ce ne fut pas long !) qu’elle le comprit, elle lui darda un regard de rage, elle se haït, elle le haït avec mépris, comme la crotte à ses souliers.

— « Marc ! mon Marc ! À quoi sert-il que, pour te fuir, je te cherche, par ces honteux artifices ! Mais qu’as-tu donc par quoi tu me tiens ?… Ah ! tu as ceci que, quoi que tu sois, tu es mien ! »

Elle se trouvait à un des conciliabules de son patron, le délégué du grand cartel industriel, en train de sténographier la discussion, quand elle tenait ce monologue. Marc, son Marc, avait fondu sur elle ; il la couvrait de ses longues ailes, de ses membres maigres :

— « …Mon maigriot ! mon vilain oiseau ! Mon lièvre sans râble ! Tout en carcasse, avec des cuisses en échalas, et des genoux comme des pieux, et de dures mains qui sont douces et fiévreuses et font des bleus… Et