Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/183

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Quand ils commencent à s’éveiller — (par intermittences, jamais ensemble), — ils contemplent, à leur côté, l’autre endormi. Ainsi Psyché tenant la lampe, ils scrutent le corps de l’amant et ce visage, comme un livre d’amour meurtri, qui, dans le sommeil, se trahit. Ils ont tous deux un saisissement à lire les secrets de la douleur et de la révolte, qui ont, pendant les mois de séparation, laissé la trace de leurs ongles sur cette figure connue, qu’ils ne connaissent plus. Elle est la même, et elle est une autre… Quoi de changé ?… Et tandis qu’ils interrogent le miroir de ce visage, de celui qui dort, ils y découvrent, par réverbération, le reflet du leur : le leur aussi, celui qui veille et qui observe, n’est plus le même, il est un autre… Quoi de changé ?.., En tous les deux s’est accompli un profond travail de labour. Le soc a passé, et des semences ont levé…

Premières de toutes, premier blé : un autre amour. Celui d’hier s’est brûlé. Un autre est né. Un amour fait de gratitude et d’abnégation passionnée. Car ils ont, au prix de leur souffrance, éprouvé ce qu’ils étaient l’un pour l’autre, et que l’un sans l’autre ils ne pouvaient vivre. L’orgueil qui les affrontait l’un à l’autre est brisé. Et quel bonheur qu’il soit brisé ! La porte s’ouvre entre leurs cœurs…