Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/186

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

lampe s’est rallumée. L’époux est revenu. Je l’ai, je l’ai, et je le garde, je ne laisserai plus souffler ma chandelle… « Au clair de la lune !… » Je veille sur mon feu. »

Marc regardait, penchée sur lui, la petite veilleuse. Il voyait bien sa vigilance à abriter entre ses mains la flamme de l’amour rallumée, la roseur de la lampe au visage tendre et soucieux. Les attentions de Assia pour protéger la liberté de Marc et ne point le gêner dans son développement, n’étaient pas perdues pour lui. Il était touché qu’elle parût prête à lui sacrifier sa propre loi. Il n’était pas homme à l’accepter. Il n’en sentait que davantage les devoirs qu’il contractait envers elle. L’acte de foi qu’elle faisait en lui, l’obligeait à se rendre digne d’elle. Ne pas décevoir son attente. Marcher devant. Et jusqu’au bout ! — Ce n’était pas qu’il pût jamais lui sacrifier la sincérité de sa nature. Il savait — (et elle aussi, maintenant, savait) — que ce serait elle-même qu’il trahirait, si, par faiblesse envers elle, il se trahissait. Sa sincérité était sa dot, le bien propre de la communauté. Il fallait veiller dessus, mais en faisant qu’elle ne restât point improductive, que cette force intérieure s’accomplit, qu’elle se frayât son lit de torrent entre les monts. Il fallait résoudre l’énigme des exigences contradictoires de l’esprit. Et de ces lois qui s’opposaient, dans l’âme de Marc, faire jaillir la loi plus vaste qui les embrasse.

C’est ici que se révélait la vertu inattendue de l’amour — de l’amour nouveau, qui rénovait le sang de Marc, par la blessure. Car, en le dépouillant de certaines chaudes illusions de la vie aveugle, de l’égoïsme de la chair, de cette folie d’accaparement d’un autre être, — l’amour l’amenait à se dépouiller de l’égoïsme de l’esprit — le plus mortel — celui de ses idéologies et de ses absolus de pensée. Il l’aidait à passer d’un