Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/207

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Ce fut en ces jours que rentra dans la vie d’Annette, — et par elle, de son fils — une vieille amitié, perdue, qu’on croyait morte, et maintenant mûrie et décantée de ses impuretés : celle de Julien Davy, l’ex-fiancé de ses trente ans[1].

Elle était alors malade, forcée de rester en chambre. Depuis la pneumonie contractée dans les marais de Roumanie, bien qu’elle eût semblé guérie, elle était reprise, chaque hiver, par des retours de grippe insidieuse, en apparence innocente, qui à la longue grignotait sa robuste constitution. On ne le remarquait, pour le moment, qu’à ces accès inoffensifs, qui l’obligeaient à une quinzaine de repos. Pendant ces semaines d’inaction forcée, où elle avait du temps pour lire, songer, et remonter les sentiers du passé, Annette eut occasion de rencontrer son vieux compagnon des années mortes, qui faisait, comme elle, bande à part. Généralement, elle évitait ces anciens chemins : il y avait trop de sa toison — amours, regrets, remords, songeries, rongeries — accrochée, çà et là, aux buissons ; on n’a pas besoin de les chercher : ils sont comme ces graines de pissenlit qui flottent et s’accrochent aux vêtements,

  1. L’Été, second volume de L’Âme Enchantée.