Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/212

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Satisfaction toute platonique ! Elle ne fit rien pour s’en rapprocher. Rien même pour la connaître exactement. Elle ne lut rien de Julien, jusqu’à cette maladie, qui lui donnait des loisirs. Peut-être lui donnait-elle en même temps une petite fièvre, propice à ces retours de pensée.

Or, ayant réussi à se procurer, par sa jeune bru, avec une rouerie de curiosité indifférente, un des volumes de Julien, puis un autre, puis tous les autres — ( « Quand on est au lit, il faut bien savoir s’ennuyer ! » ) — elle passa des jours dans un trouble du cœur bienheureux. Assia disait, la voyant bâiller, avec les yeux ensommeillés :

— « Dors ! tu feras mieux… »

Elle, docile, fermait les yeux sur sa joie.

Qu’est-ce donc qui la réjouissait et lui causait un émoi, dans ces livres, presque tous de science et d’histoire, où les autres yeux ne voyaient qu’un miroir de l’esprit désintéressé, réfléchissant les lois de la réalité objective ? Elle y voyait, d’abord, cette intrépidité de l’esprit, qui ne ressemblait guère aux vacillements de l’esprit timide, qu’elle avait connu. — « Qui ne ressemblait guère ? » — Qui ressemblait ! Si fait ! Elle, elle seule avait perçu déjà en lui, sous le tremblement,