Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/412

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tage d’aller verser une corbeille d’explosifs sur le palazzo Venezia. Marc ne lui donna pas la réponse. Julien, que Buonamico sonda, n’avait aucun effort à faire pour se taire : il gardait pour lui ses pensées. Assia prenait les fleurs que Buonamico lui offrait, elle le fixait avec un sourire sans douceur, flairait le bouquet, tournait le dos, et oubliait les fleurs sur un banc. La seule du groupe qui répondît aux avances était la bonne Annette, qui se laissait toucher par les récits que Buonamico lui faisait de sa pauvre mère ; on les voyait souvent ensemble : Annette patiemment écoutait, consolait le fils en peine, qui essuyait parfois une larme et, reconnaissant de la sympathie, avec « tante grazie », lui baisait la main avec respect. Mais Annette n’avait pas de secrets à livrer. Et Buonamico, discret, n’abusa point de la consolatrice ; il se repliait à distance de la petite compagnie.

Il n’en fut pas moins instruit immédiatement de leurs projets de voyage en Italie. Marc et Assia en avaient causé, pour la première fois, la veille au soir, dans le hall de leur hôtel, presque désert. Il n’y avait là que Julien, Annette et, à quelques pas, un vieux gentleman très correct, qui lisait le Times devant sa tasse de café.

Depuis qu’il avait passé le mur des monts qui fait l’ombre sur la terre disgraciée du Nord, Marc était ivre de soleil ; il couvait des yeux avec envie les belles rives d’Italie, qui s’épanouissaient là, près de sa main, comme une fleur, et dans le ciel par-dessus les collines capricieuses, le chaud mirage du lac de Côme. Annette et Assia connaissaient le pays enchanté : Annette, pour y avoir séjourné dans sa jeunesse, du vivant de son père ; et depuis la guerre, elle l’avait traversé plusieurs fois, dans ses voyages à l’étranger. Assia l’avait aussi visité deux fois, aux temps de son enfance