Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/529

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fier tout simplement. Ce fut lui-même qui proposa à Annette de prendre George en pension. Il prétextait, pour enlever à celle-ci tout remords, qu’il projetait depuis longtemps un voyage d’études en Amérique, et que probablement il y passerait une année : il serait bien aise de savoir sa fille sous le toit d’Annette. Annette n’en fut point dupe ; mais George ne demandait qu’à l’être ; et avec l’égoïsme de la jeunesse, elle en poussa des cris de joie ; elle embrassa furieusement son père, Annette et l’enfant. Annette, seule avec Julien, le regarda, sourit, et lui dit :

— « Mon cher Julien… À mon tour ! »

Elle l’embrassa. Julien ému, embarrassé, dit, toussotant, cherchant ses mots :

— « Au fond, ma George… vous le savez bien… vous appartient…

Annette lui posa sa main sur la main :

— « J’ai compris… Elle est à nous deux… Mon cher ami !… »

Ils détournèrent l’entretien. À leur âge, on n’a plus besoin de dire. On sait.

L’installation fut bientôt faite. Et ce fut une joie des deux enfants. George prit l’ancienne chambre qu’occupait Assia ; le petit lit de Vania était dans une étroite pièce à côté, dont la porte restait entr’ouverte. Annette les entendait, à travers la paroi qui touchait contre son oreiller, chuchoter et rire, le matin, comme les moineaux, et les pieds nus qui clapotaient sur le parquet, pour se rendre visite, d’une pièce à l’autre. Puis, on décida, puisqu’aucune obligation ne retenait plus à Paris, de s’installer dans la banlieue ; et l’on prit, à la lisière des bois de Meudon, une maison simple et claire, avec quelques arbres et un jardin ; on s’y sentait plus au large. Il y avait même une chambre pour Sylvie, si elle voulait. Mais Sylvie