Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/528

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La vie à deux s’organisa. Au début, George accourait chaque matin chez Annette ; mais elle devait rentrer chez son père, pour le repas de midi, revenait passer l’après-midi avec l’enfant et le quittait à regret, pour le souper. Julien habitait maintenant à Passy, Annette au Luxembourg. George devait toujours courir ; et personne n’était satisfait. Julien se plaignait de ne plus voir jamais sa fille, et qu’elle arrivât aux repas, toujours en retard : (il était de ces bourgeois français, qui ne peuvent supporter l’inexactitude, et qu’elle rend insupportables). Le petit ne voulait jamais laisser partir George. À chaque fois, c’étaient des adieux et des rappels et des ré-adieux d’amoureux. Annette, amusée et touchée, suggéra à son vieil ami de laisser George prendre chez elle le repas de midi. Julien consentit : il souffrait moins encore de l’absence de sa fille que de ses retards. Puis, il fut touché, lui aussi. Après avoir été long à comprendre que George abandonnât tout, sa maison, ses travaux, ses intérêts, pour une marotte, il vit — (Annette lui prêta ses yeux, qu’il aimait) — la beauté de cette mystérieuse flamme maternelle, qui s’était allumée dans le cœur vierge de sa fille. Et il alla au-devant de ses désirs. Il était homme à se sacri-