Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/546

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au livre maintenant achevé un sens bien plus intime que quand ils l’écrivaient ensemble. Elle se donnait l’illusion qu’elle avait été plus proche de Marc qu’aucun autre être — même sa mère : (elle ne parlait point de Assia, qu’elle s’obstinait à écarter avec un dédain irrité : — « Tu n’es pas des nôtres. Je te nie ! »…). Elle ne voulait pas se reconnaître d’autre rivale que Annette. À certains égards, elle ne se mentait pas tout à fait. Elle avait été le témoin, la confidente et la complice de toute une part de la vie d’adolescence, que Marc n’avait point livrée à sa mère. Il avait été son demi-fils, son écolier, son apprenti… (De ces Lehrjahre nous n’avons pas tout raconté…) Jusqu’à cette folle nuit de l’avenue d’Antin, que des années de malentendu stupide avaient suivie… L’étrangère en avait profité, pour le lui prendre… Un trait de plume, encore, rageur, sur Assia !… L’étrange jalousie des deux femmes avait eu beau se raisonner, s’obliger aux prévenances, aux sourires, surtout depuis le deuil commun : elle les bandait l’une contre l’autre, irréconciliables et dures, — surtout depuis le deuil commun. Heureusement, il y avait entre elles le fossé de l’Atlantique. Quand Assia le passait, elles s’évitaient.