Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/547

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Délestée de son argent, de son métier, de sa vie d’agitation et, par surcroît, du monde, — de tous les « autres » (à part une demi-douzaine, qui n’étaient point des « autres », mais un morceau de soi), — Sylvie ne sentit pas le vide, un seul instant. Elle respira !

Il y a de pauvres êtres — (le plus grand nombre, dans notre société mécanisée) — qui, à l’âge de la retraite, lorsqu’on enlève les étais d’habitudes qui épaulaient leur vie, s’écroulent en plâtras. Mais Sylvie était de bonne pierre de France, bien taillée, appareillée solidement, comme celles de Chartres ou de Laon. Elle en avait le grain serré, dur et fin, — le « moi ». Un « moi » qui était à elle, bien à elle, rien qu’à elle. Il n’avait pas besoin de contreforts. Les échafaudages déblayés, qui avaient encombré vingt-cinq ans et plus de sa vie, Sylvie se trouva dégagée, et elle jouit de l’air nu.

Elle en avait beaucoup, dans son observatoire qui dominait les toits, les terrains vagues, les creux et les collines couverts par le pullulement de l’immense fourmilière, et les longues fumées serpentant sur la ville. Sylvie, rentrée dans sa coque de Catherinette, redevenait une d’elles. Et elle rajeunit.