Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/550

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moitié du manteau de saint Martin, c’était beaucoup l — « Je ne le coupe pas plus haut que mon cul ! »… — Le bon sens gaulois n’abdiquait point. Entre le pélican qui nourrit de son sang ses enfants, et l’Ugolin qui les mange afin de leur conserver un père, il y a place pour la bonne Samaritaine de Montparnasse, qui nourrit soi d’abord, ensuite les autres… « Le bel avantage, s’ils m’ont mangée ! Et qui leur donnera à manger demain ? Le Dieu qui prend soin des passereaux ?… » Avec ce Dieu, SyJvie était brouillée, depuis qu’il avait tué ou laissé tuer son passereau. Elle l’avait mis en quarantaine. Il fallait se passer de lui et qu’il se passât d’elle. Elle ne mettait plus les pieds à l’église. Son église était maintenant son école ; et son impiété se targuait insolemment de donner plus de son corps à manger à ses petits que le Dieu de l’hostie. — « Beau repas ! Je nourris mieux… » Mais elle ne s’en faisait pas accroire ; elle savait qu’elle ne nourrissait pas assez ! Elle allait mendier, d’un ton impératif, pour ses pupilles, chez tous ceux qu’elle connaissait et chez beaucoup qu’elle ne connaissait pas. Ses jambes malades n’eurent pas à se louer de toutes les marches d’escalier qu’elle leur fit monter et descendre. Le résultat fut qu’après récolte non médiocre (ils n’étaient pas nombreux, les sollicités qui osassent marchander l’aumône que la redoutable petite sœur mendiante exigeait d’eux !), Sylvie dut se condamner à des semaines d’immobilité, sur son lit.

Pour s’occuper, elle prit chez elle cinq ou six de ses pupilles les mieux douées, et elle leur fit un cours de couture. Les premiers résultats furent satisfaisants ; à Paris, les doigts sont presque toujours intelligents ; et plût au ciel que le reste fût de même ! Mais il y eut de sérieux inconvénients. Les gamines entassées dans les trois pièces, et que l’impotente ne pouvait constam-