Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/551

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ment surveiller, grattaient leurs socques contre les meubles, écornaient de leurs ongles les papiers, imprimaient sur les boiseries leurs doigts sales, sournoisement arrachaient les fleurs des fenêtres en saccageant les tiges ; et finalement, Sylvie découvrit, un jour, qu’on avait fouillé dans ses tiroirs et chipé une boîte de laque. Indépendamment de la valeur du souvenir, Sylvie ne supportait pas d’être volée. Le vieil instinct de propriété n’admettait point une atteinte. Il était peu probable qu’elle atteignît au stade où l’on dit : — « Prends, si tu veux ! Rien n’est à moi. » — Elle disait : — « Je donne, parce que c’est à moi. Mais je te défends d’y mettre les pattes sans que je le veuille, sacré voleur ! » — Elle les flanqua toutes à la porte. Là-dessus, pendant qu’elle était au lit, l’école, privée de son aviron, chavira. Elle fit parler d’elle plus qu’on ne l’eût souhaité. Quelques-uns des petits chefs de familles, des matrones et des matrons, prirent leur rôle trop au sérieux, ou, si l’on veut, du côté qui l’était le moins. Il y eut entre garçons et filles appariés quelques jeux qui ne figuraient pas au programme.

— « Pas de quoi fouetter un chat ! » fit la Sylvie, haussant l’épaule, quand elle l’apprit… Elle eût été jusqu’à la fessée…

— « Mais qu’on nous fiche la paix, de ces niaiseries ! Tas de bedeaux ! Est-ce qu’ils se figurent que nous élevons des enfants de chœur ? Tâchez un peu de les mettre à la chaîne, mes chiennots de la zone ! Moi, je les dresse en liberté. Ça ne peut pas aller sans accrocs. On les raccommodera. Ne faites pas tant d’embarras ! »

Ils savaient bien ce qu’ils faisaient ! La presse bourgeoise, qui déjà louchait sur ce nid suspect d’anarchistes, sonna l’alarme de la moralité de Paris menacée. Il y eut enquête, interrogatoires des polissons,