Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/584

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seconde où, muscles tendus, il lance le ballon, ou dans la course… le souffle lui manque, sa poitrine est près d’éclater… et tout s’illumine… Ou bien — (ça ne se dit pas ! mais puisque ça se fait !…) quand son petit cul est en fonction sur les latrines, — l’heure saugrenue où la voix de la sagesse, à l’improviste, se laisse entendre à certains hommes de Dieu, — et dont notre sans-dieu-ni-maître D’Alembert disait, cynique, à Lespinasse que c’est la satisfaction la plus pure dispensée aux mortels. De si grands exemples autorisent Vania à ouvrir cette porte de l’illumination… « Spiritus flat uhi vult… » Il rirait bien, s’il y pensait ! Il est du pays de Rabelais… Mais il a autre chose à penser ! Il rêve… Si bien qu’une fois rentré dans la société de ceux qui vont debout sur leurs jambes, il ressaute, honteux, en entendant George qui lui dit :

— « Vanneau, boutonne ton pantalon ! »

Il revient de la lune. Aucun ne sait ce qu’il y a vu. Mais Annette soupçonne qu’il y a fait des rencontres singulières ; elle n’a qu’à se remémorer les siennes propres. Elle en étudie les reflets dans les pupilles de l’enfant.

Ils s’observent mutuellement. Ils ne savent pas grand’chose l’un de l’autre. Ils sont si éloignés, par le temps ! Mais ils se flairent tendrement, comme deux bêtes de même race ; leur nez renifle sur leur peau la même odeur, la bonne odeur du rêve de même sang… Quand il a bien couru, joué, jouté, crié avec sa George, Vania vient s’asseoir aux pieds d’Annette, il appuie sa joue contre la cuisse de la mère-grand, et il regarde sans parler, tandis que s’apaise le tumulte de son sang. La main d’Annette caresse le visage du petit animal familier.

Puis, brusquement, le petit animal pense tout haut :