Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/594

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sus. Il examine le scarabée cloué sur le dos. Il est furieux : il a été attaqué contre les règles, déloyalement. Mais dès qu’il voit la face penaude du vaincu, criblée de taches de rousseur, qui cligne des yeux piteusement, pour ne pas avouer sa honte, il éclate de rire et lui tend la langue. Son rire achève l’écrasement ; les larmes ruissellent. Vania se jette au cou du petit ; et les voilà tous deux roulés, dessus dessous, au travers de la route. À pleine bouche ils s’embrassent, et Waldo, toujours pleurant, y apporte la même fureur qu’il mettait à défoncer le coffre de Vania. Vania le mouche paternellement : — (la dernière injure pour ce petit homme, qui se croit déjà déshonoré d’avoir pleuré !… Mais il a toute honte bue, et cette injure, de ces mains, — explique qui voudra ! — lui est douce.) Vania, qui le voit frotter ses joues mouillées avec ses doigts sales de poussière, lui dit :

— « Attention ! tu vas effacer tes beaux petits points peints en rouge sur ton nez. »

Ils rient aux éclats tous les deux. Le nez de Vania saigne. Mais quand ils rentrent à la maison, Vania dit, magnanime, qu’en courant il s’est heurté. — Waldo, la nuit, met longtemps à s’endormir ; il pense à Vania avec passion.

Les deux enfants, après que l’océan de nouveau les sépare, échangent des lettres ; mais la plume de Waldo est, comme sa langue, gauche à exprimer ce qui lui chauffe le cœur. Et la plume de Vania, qui est déliée comme sa langue, sent la partie trop inégale pour jouter. Ainsi que quand il narguait le scarabée cloué sous ses poings, le petit aîné tend la langue au cadet. Pas de conversation possible. Mais des cris de guerre :

— « Hallo ! Waldo ! Hoyotoyo ! Frères de combats ! Et Allala ! La prochaine fois qu’on se reverra, je boirai ton sang, tu boiras mon sang, et on ira à la bataille !… »