Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/595

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L’engagement, pour Waldo, n’est pas un jeu. Il ne sait quelle sera la bataille. Mais il sait que celle de Vania sera la sienne. Et Assia dit, la nuit, à Marc :

— « Tu vois bien, ne m’en veux donc pas ! Je t’ai fait un louveteau de plus… »

Elle revient de ses visites à Meudon, clarifiée. Si peu que Annette ait parlé — (tout le temps a été pris par le flux de paroles de Assia ; après, elle se le reproche amèrement) — Assia voit mieux en soi, après que Annette l’a vue. Ses randonnées haletantes, les fiévreuses révoltes de sa course en zigzag, retrouvent la direction et le sens de la piste. La Révolution prend, dans les yeux d’Annette, le regard même d’Annette, ces prunelles dilatées, qui s’ouvrent sereinement à l’inéluctable marche du Destin, cette calme certitude, qui dépasse la clôture d’horizon aux lignes désordonnées des combats d’aujourd’hui. On perçoit, au travers, l’au-delà de la trajectoire qui ne retombera jamais, l’éternel bruissement de la marée cosmique, qui jamais ne reflue, la loi des mondes en marche où s’apaise le vertige des tourbillons qui passent.

Mais Annette fut la dernière à connaître ce que recelaient ses yeux. On voit les autres, et ils vous voient ; on ne se connaît que par réverbération. Annette ne prit conscience de son foyer que par les feux qu’il avait allumés. La femme âgée, veuve de son fils, et solitaire, découvrit sa fécondité.