Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/621

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Les âmes du monde sont des cloches, les unes lointaines, les autres proches. Il est des jours où Annette se croit revenue à cette heure sur la montagne, où étendue près de son fils sur l’herbe rude, la menthe sauvage et la gentiane aux yeux bleus, elle écoutait monter l’angélus, de toutes les touffes de la vallée. Toutes les cloches ne vont pas du même pas. Les unes commencent, les autres finissent. Certains clochers sont éteints. L’oreille, tendue, continue de suivre dans l’espace halluciné les vibrations, après qu’elles ont cessé. La cloche de Bruno est engloutie. Annette est la seule à la percevoir encore. Et peut-être, c’est son souvenir qui en prolonge les ondes. Depuis déjà plus d’une année, Bruno n’a donné aucune nouvelle. Mort ou vivant ? Disparu dans une de ses dangereuses missions ? La dernière lettre reçue de lui parlait vaguement de son prochain retour. Depuis, de l’Inde virtuellement en état de siège, les rares amis avec qui l’on correspond semblent avoir perdu sa trace. Dans quelque ashram a-t-il fini par oublier le temps ? Ou bien, est-il sorti du temps ? Un inexplicable sentiment le ferait croire à Annette. À dater d’un jour, d’une heure précis — (mais sur le moment, elle n’a pas songé