Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/629

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rentrer, surexcités, les yeux flambants, George riant d’un rire provocant ; Vania, le poing levé, montrait une balle de mitrailleuse qu’il avait ramassée sur une place, où brusquement, sans sommations, la force armée avait tiré sur une foule, sans armes, de manifestants. Et George dit :

— « Elle servira, la prochaine fois, contre l’ennemi ».

« L’ennemi ? » Il en est donc un, pour George ? Elle a choisi ?… — Elle, non. C’est lui, l’ennemi, qui a choisi ! Quand on voudrait nier le concept de classe, il vous est brutalement imposé par une classe dominante, dont on faisait peut-être partie par la naissance ; mais on s’en expatrie et on la secoue comme la boue de ses souliers, lorsqu’on la voit qui, pour assurer ses profits et ses fraudes, ne pouvant plus se suffire des lois sur lesquelles reposait sa démocratie, viole les lois, renverse elle-même sa démocratie, et fait appel à la mitraille et aux tribunaux d’exception, — ou aux Duci, aux renégats du socialisme, qui, sortis du peuple, en ont la rude mâchoire et l’encolure, qu’ils vendent au service des maîtres affaiblis : — (après que le peuple sera maté, ils régleront ensemble leurs comptes !) — La démocratie s’est trahie. Elle a déchiré, d’elle-même, le mensonge d’un régime qui se targuait de « libéralisme », tant que ses abus pouvaient librement s’exercer. À présent qu’il faut la force pour les assurer, le « libéralisme » se fait fascisme. La déclaration de guerre est jetée. Et c’est le parti de l’ « ordre », qui la lance. Ordre contre ordre, force contre force !…