Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/85

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rancunes secrètes, qui sait ? peut-être cette inavouable curiosité psychologique des Slaves, qui les pousse à Dieu sait quelles actions, pour voir ce qui va se passer en eux. — « Comment elle et lui réagiront-ils ?… » L’expérience était dangereuse. Elle le savait. Mais le danger lui était un prétexte spécieux de plus pour persévérer. Les risques d’un acte le légitiment.

Quand elle vit Marc, sa décision fut troublée. Elle s’attendait à la continuation du malentendu de la nuit. Elle trouva un Marc qui avait réfléchi et se repentait, un Marc touchant, qui demandait pardon, avec ce beau regard humble et tendre, qui fondait le cœur. Assia fut désarçonnée. Elle ne pouvait plus que lui caresser le visage avec ses mains, que les lèvres de Marc attrapaient au passage. Ses mains souillées… Elle les retira et les cacha derrière son dos. Elle était en fausse situation, pour lui donner maintenant le pardon qu’il demandait. Elle cherchait à mettre fin à ces rôles intervertis. Elle lui disait :

— « Assez, mon petit ! N’en parlons plus ! C’est loin, déjà ; ce qui est d’hier est fini. »

Il était heureux :

— « Alors, c’est dit ! Tu as pardonné ? »

— « Oui », fit-elle. » Et c’est à toi, maintenant de pardonner. »

Il s’écria :.

— « Il y a beau temps que c’est fait ! »

— « Oui, pour hier. Mais pour aujourd’hui ? »

— « Pour aujourd’hui ? »

Il souriait. Elle ne savait plus comment commencer. Elle avait pourtant tout préparé. Mais en face de lui, maintenant, cela devenait terrible…

— « Ne me regarde pas ainsi ! Tu me rends la chose encore plus difficile… »

Elle lui tourna la tête, d’un autre côté.