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LES PRÉCURSEURS

croient ni à la cause de Dieu, ni à la grande justice, qui n’aiment pas la guerre et qui meurent face à l’ennemi… Beaucoup, inconscients, vont à la mort sans penser, d’autres, avec, au cœur, l’angoisse du sacrifice inutile et la connaissance de la folie des hommes… »

P. 20 : Dans la tranchée : « … C’était des malédictions contre la guerre, tous la haïssaient… D’aucuns disaient : Français ou Allemands, ce sont des gens comme nous, ils souffrent et ils peinent. Ne songent-ils pas à rentrer chez eux aussi ? » — Et ils citaient ce fait : à un homme réformé, parce qu’il avait deux doigts coupés, ils avaient dit, traversant un village : « Vous heureux, vous heureux, pas aller à la guerre… »

P. 21 : « … Je ne suis ni celui qui croit à l’avènement de la Beauté, de la Bonté, de la Justice… Ni celui qui redore les idoles du passé, symboles des forces obscures qu’il convient d’adorer en silence. Je ne suis ni soumis, ni croyant. — J’aime la Pitié, car nous sommes des malheureux, et il fait bon être consolés, même bourreaux et bouchers, si ce n’est du mal dont nous souffrons, c’est du mal que nous avons fait ou que nous ferons : nécessité de faire souffrir ; tuer ; être tué… ».

P. 22 : « Aplati par terre, tandis que les obus sifflant au-dessus de nous passent, je pense : Mourir ! Pourquoi mourir sur ce champ de bataille ?… Mourir pour la civilisation, la liberté des peuples ? Des mots, des mots, des mots. On meurt parce que les hommes sont des bêtes sauvages qui s’entretuent. On meurt pour des ballots de marchandises et des questions d’argent. L’art, la civilisation, la culture latine, germaine ou slave, sont également belles. Il faut tout aimer !… »

P. 59 : « … Nous haïssons, comme Baudelaire, les armes des guerriers… La grande époque, ce fut celle que nous vécûmes avant la guerre. Le claquement des drapeaux, les longs défilés guerriers et les sons du