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LES PRÉCURSEURS

terribles sont ses poings… Nous sommes ses enfants, ses premiers-nés. Il nous a châtiés, mais il aura pitié de nous. Il nous a renversés, mais Il nous relèvera… »

Les envoyés Chaldéens s’enfuient, terrifiés. Le peuple entoure Jérémie et l’acclame. Ils boivent ses paroles enivrées. Dieu parle par sa bouche. Il déroule devant leurs yeux la vision de la Jérusalem nouvelle, vers qui accourent les dispersés, de tous les points de la terre. La paix resplendit sur elle. Paix du Seigneur, paix d’Israël. Avec des cris de transport, le peuple qui se voit déjà aux jours du retour, embrasse les pieds et les genoux de Jérémie. Le prophète s’éveille de son extase. Il ne sait plus ce qu’il a dit. Il se sent pénétré de l’amour de ceux qui l’entourent ; il se défend contre leur enthousiasme, que surexcite encore une guérison miraculeuse. Le vrai miracle, dit-il, c’est qu’il a maudit Dieu et que Dieu l’a béni ; Dieu lui a arraché son cœur dur et a mis, à la place, un cœur compatissant, pour partager toute souffrance et en comprendre le sens. Comme il a été long à le trouver, à vous trouver, mes frères ! Plus de malédictions ! « Sombre est notre destin ; mais ayons confiance, car merveilleuse est la vie, sainte est la terre. Je veux embrasser dans mon amour ceux que j’ai attaqués dans ma colère ». Il fait une prière d’actions de grâces, il bénit la mort et la vie. Baruch le supplie de porter le bienfait de sa parole au peuple assemblé sur la place. Jérémie s’y dispose. « J’ai été le consolé de Dieu ; maintenant, je veux être le consolateur ». Il veut bâtir dans les cœurs l’éternelle Jérusalem. — Le peuple le suit, en l’appelant le « constructeur de Dieu ».

Scène IX : « La route éternelle »

C’est la grande place de Jérusalem, comme au second tableau, mais après la destruction. Clair-obscur d’une nuit de lune à demi-voilée. Dans l’ombre, on voit des