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LES PRÉCURSEURS

Elle s’intitule : Das werdende Europa — Blätter für zukunftsfrohe Menschen, — neutral gegenüber den kriegführenden Ländern, leidenschaftlich Partei ergreifend für das Recht gegen die Macht. (« L’Europe qui sera, — revue pour les hommes joyeux de l’avenir, — neutre à l’égard des pays belligérants, — mais prenant passionnément parti pour le droit contre la force. »)[1]

Zukunftsfroh… : C’est un des traits de Nicolaï qui frappent, dès le premier regard, et que j’avais signalé à la fin de mon étude sur sa Biologie de la Guerre. Que d’hommes, à sa place, eussent été déprimés par tout ce qu’il a dû voir, entendre et endurer de la méchanceté humaine, de la lâcheté qui est pire, et de la sottise, qui dépasse l’une et l’autre, — la sottise, reine du monde ! Mais Nicolaï est doué d’une élasticité extraordinaire… « Nicht weinen ! », comme lui dit sa petite fille de deux ans et demi, quand il va se séparer d’elle et de tout ce qu’il aime… « Pas pleurer ! Zukunftsfroh — Il a, pour le soutenir, son admirable vitalité, la force inébranlable de ses convictions, sa « triomphante sécurité » (« meine triumphierende Sicherheit »), et une flamme d’apôtre inattendue dans cette nature d’observateur scientifique, qui se mue, par élans soudains, en un voyant idéaliste et prophétique, aux accents religieux. Avec tout l’apport nouveau de la science moderne, il est un phénomène singulier de « revivance ». La vieille Allemagne de Gœthe, de Herder et de Kant, nous parle par sa voix. Elle revendique ses droits,

  1. Copenhague, Steen Hasselbach’s Verlag, premier numéro, 1er octobre 1918.