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lettre a m. d’alembert

est de prévenir les changements, d’arrêter de loin tout ce qui les amène ; mais sitôt qu’on les souffre et qu’on les autorise, on est rarement maître de leurs effets, et l’on ne peut jamais se répondre de l’être.

Jamais, dans une monarchie, l’opulence d’un particulier ne peut le mettre au-dessus du prince ; mais, dans une république, elle peut aisément le mettre au-dessus des lois. Alors le gouvernement n’a plus de force, et le riche est toujours le vrai souverain.

Ne faut-il donc aucun spectacle dans une république ? Au contraire, il en faut beaucoup. C’est dans les républiques qu’ils sont nés, c’est dans leur sein qu’on les voit briller avec un véritable air de fête. A quels peuples convient-il mieux de s’assembler souvent et de former entre eux les doux liens du plaisir et de la joie, qu’à ceux qui ont tant de raisons de s’aimer et de rester à jamais unis ? nous avons déjà plusieurs de ces fêtes publiques ; ayons-en davantage encore, je n’en serai que plus charmé. Mais n’adoptons point ces spectacles exclusifs qui renferment tristement un petit nombre de gens dans un antre obscur ; qui les tiennent craintifs et immobiles dans le silence et dans l’inaction ; qui n’offrent aux yeux que cloisons, que pointes de fer, que soldats, qu’affligeantes images de la servitude et de l’inégalité. Non, peuples heureux, ce ne sont pas là vos fêtes. C’est en plein air, c’est sous le ciel qu’il faut vous rassembler et vous livrer au doux sentiment