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lettre a m. d’alembert

de votre bonheur. Que vos plaisirs ne soient efféminés ni mercenaires, que rien de ce qui sent la contrainte et l’intérêt ne les empoisonne, qu’ils soient libres et généreux comme vous, que le soleil éclaire vos innocents spectacles ; vous en formerez un vous-mêmes, le plus digne qu’il puisse éclairer.

Mais quels seront enfin les objets de ces spectacles ? qu’y montrera-t-on ? Rien, si l’on veut. Avec la liberté, partout où règne l’affluence, le bien-être y règne aussi. Plantez au milieu d’une place un piquet couronné de fleurs, rassemblez-y le peuple, et vous aurez une fête. Faites mieux encore : donnez les spectateurs en spectacle ; rendez-les acteurs eux-mêmes ; faites que chacun se voie et s’aime dans les autres, afin que tous en soient mieux unis. Je n’ai pas besoin de renvoyer aux jeux des anciens Grecs : il en est de plus modernes, il en est d’existants encore, et je les trouve précisément parmi nous. Nous avons tous les ans des revues, des prix publics, des rois de l’arquebuse, du canon, de la navigation. On ne peut trop multiplier des établissements si utiles[1] et si agréables ;

  1. Il ne suffit pas que le peuple ait du pain et vive dans sa condition ; il faut qu’il y vive agréablement, afin qu’il en remplisse mieux les devoirs, qu’il se tourmente moins pour en sortir, et que l’ordre public soit mieux établi. Les bonnes mœurs tiennent plus qu’on ne pense à ce que chacun se plaise dans son état. Le manège et l’esprit d’intri-