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lettre a m. d’alembert

du corps ? Pourquoi n’animerions-nous pas nos bateliers par des joutes sur le lac ? Y aurait-il au monde un plus brillant spectacle que de voir sur ce vaste et superbe bassin des centaines de bateaux, élégamment équipés, partir à la fois, au signal donné, pour aller enlever un drapeau arboré au but, puis servir de cortège au vainqueur revenant en triomphe recevoir le prix mérité ?

…Je donnais les fêtes de Lacédémone pour modèles de celles que je voudrais voir parmi nous. Ce n’est pas seulement par leur objet, mais aussi par leur simplicité, que je les trouve recommandables : sans pompe, sans luxe, sans appareil, tout y respirait avec un charme secret de patriotisme qui les rendait intéressantes, un certain esprit martial convenable à des hommes libres[1] : sans affaires

  1. Je me souviens d’avoir été frappé dans mon enfance d’un spectacle assez simple, et dont pourtant l’impression m’est toujours restée, malgré le temps et la diversité des objets. Le régiment de Saint-Gervais avait fait l’exercice, et, selon la coutume, on avait soupé par compagnies : la plupart de ceux qui les composaient se rassemblèrent, après le souper, dans la place de Saint-Gervais, et se mirent à danser tous ensemble, officiers et soldats, autour de la fontaine, sur le bassin de laquelle étaient montés les tambours, les fifres, et ceux qui portaient les flambeaux. Une danse de gens égayés par un long repas semblerait n’offrir rien de fort intéressant à voir ; cependant l’accord de cinq ou six cents hommes en uniforme, se tenant tous par la main et formant une longue bande qui serpentait