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lettre a m. d’alembert

on ne peut trop avoir de semblables rois. Pourquoi ne ferions-nous pas, pour nous rendre dispos et robustes, ce que nous faisons pour nous exercer aux armes ? La république a-t-elle moins besoin d’ouvriers que de soldats ? Pourquoi, sur le modèle des prix militaires, ne fonderions-nous pas d’autres prix de gymnastique pour la lutte, pour la course, pour le disque, pour divers exercices

    gue viennent d’inquiétude et de mécontentement ; tout va mal quand l’un aspire à l’emploi d’un autre. Il faut aimer son métier pour le bien faire. L’assiette de l’état n’est bonne et solide que quand, tous se sentant à leur place, les forces particulières se réunissent et concourent au bien public, au lieu de s’user l’une contre l’autre, comme elles font dans tout état mal constitué. Cela posé, que doit-on penser de ceux qui voudraient ôter au peuple les fêtes, les plaisirs, et toute espèce d’amusement, comme autant de distractions qui le détournent de son travail ? Cette maxime est barbare et fausse. Tant pis, si le peuple n’a de temps que pour gagner son pain ; il lui en faut encore pour le manger avec joie, autrement il ne le gagnera pas longtemps. Ce Dieu juste et bienfaisant qui veut qu’il s’occupe, veut aussi qu’il se délasse : la nature lui impose également l’exercice et le repos, le plaisir et la peine. Le dégoût du travail accable plus les malheureux que le travail même. Voulez-vous donc rendre un peuple actif et laborieux : donnez-lui des fêtes, offrez-lui des amusements qui lui fassent aimer son état et l’empêchent d’en envier un plus doux. Des jours ainsi perdus feront mieux valoir tous les autres. Présidez à ses plaisirs pour les rendre honnêtes ; c’est le vrai moyen d’animer ses travaux.