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profession de foi du vicaire savoyard

tice est inséparable de la bonté : or la bonté est l’effet nécessaire d’une puissance sans borne et de l’amour de soi, essentiel à tout être qui se sent. Celui qui peut tout étend, pour ainsi dire, son existence avec celle des êtres. Produire et conserver sont l’acte perpétuel de la puissance ; elle n’agit point sur ce qui n’est pas : Dieu n’est pas le Dieu des morts, il ne pourrait être destructeur et méchant sans se nuire. Celui qui peut tout ne peut vouloir que ce qui est bien. Donc l’Etre souverainement bon parce qu’il est souverainement puissant, doit être aussi souverainement juste, autrement il se contredirait lui-même ; car l’amour de l’ordre qui le produit s’appelle bonté, et l’amour de l’ordre qui le conserve s’appelle justice.

Si l’âme est immatérielle, elle peut survivre au corps ; et si elle lui survit, la providence est justifiée. Quand je n’aurais d’autre preuve de l’immatérialité de l’âme que le triomphe du méchant et l’oppression du juste en ce monde, cela seul m’empêcherait d’en douter. Une contradiction si manifeste, une si choquante dissonance dans l’harmonie universelle me ferait chercher à la résoudre. Je me dirais : Tout ne finit pas pour nous avec la vie, tout rentre dans l’ordre à la mort. J’aurais, à la vérité, l’embarras de me demander où est l’homme, quand tout ce qu’il avait de sensible est détruit. Cette question n’est plus une difficulté pour moi, sitôt que j’ai reconnu deux substances.