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profession de foi du vicaire savoyard

enfance. Ils ont beau me crier : Soumets ta raison ; autant m’en peut dire celui qui me trompe : il me faut des raisons pour soumettre ma raison.

La foi s’assure et s’affermit par l’entendement ; la meilleure de toutes les religions est infailliblement la plus claire : celui qui charge de mystères, de contradictions, le culte qu’il me prêche, m’apprend par cela même à m’en défier. Le Dieu que j’adore n’est point un Dieu de ténèbres ; il ne m’a point doué d’un entendement pour m’en interdire l’usage : me dire de soumettre ma raison, c’est outrager son auteur. Le ministre de la vérité ne tyrannise point ma raison ; il l’éclaire.

Nous avons trois principales religions en Europe. L’une admet une seule révélation, l’autre en admet deux, l’autre en admet trois. Chacune déteste, maudit les deux autres, les accuse d’aveuglement, d’endurcissement, d’opiniâtreté, de mensonge.

Dans les trois révélations, les livres sacrés sont écrits en des langues inconnues aux peuples qui les suivent.

Je ne concevrai jamais que ce que tout homme est obligé de savoir soit enfermé dans des livres, et que celui qui n’est à portée ni de ces livres ni des gens qui les entendent soit puni d’une ignorance involontaire.

…Tous les livres n’ont-ils pas été écrits par des hommes ? Comment donc l’homme en aurait-il besoin pour connaître ses devoirs,