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julie ou la nouvelle héloïse

chacun sent ce qui est bien, chacun discerne ce qui est beau ; nous n’avons pas besoin qu’on nous apprenne à connaître ni l’un ni l’autre, et l’on ne s’en impose là-dessus qu’autant qu’on s’en veut imposer. Mais les exemples du très bon et du très beau sont plus rares et moins connus ; il les faut aller chercher loin de nous. La vanité, mesurant les forces de la nature sur notre faiblesse, nous fait regarder comme chimériques les qualités que nous ne sentons pas en nous-mêmes ; la paresse et le vice s’appuient sur cette prétendue impossibilité ; et ce qu’on ne voit pas tous les jours, l’homme faible prétend qu’on ne le voit jamais. C’est cette erreur qu’il faut détruire ; ce sont ces grands objets qu’il faut s’accoutumer à sentir et à voir, afin de s’ôter tout prétexte de ne les pas imiter. L’âme s’élève, le cœur s’enflamme à la contemplation de ces divins modèles ; à force de les considérer on cherche à leur devenir semblable, et l’on ne souffre plus rien de médiocre sans un dégoût mortel.

N’allons donc pas chercher dans les livres des principes et des règles que nous trouvons plus sûrement au dedans de nous. Laissons là toutes ces vaines disputes des philosophes sur le bonheur et sur la vertu ; employons à nous rendre bons et heureux le temps qu’ils perdent a chercher comme on doit l’être, et proposons-nous de grands exemples à imiter plutôt que de vains systèmes à suivre.

J’ai toujours cru que le bon n’était que le