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jean-jacques rousseau

plus pur et le plus bienfaisant qu’il ait écrit, l’évangile de la tolérance et de la foi du cœur, affranchie de tous les préjugés des Eglises, « La Profession de Foi du Vicaire savoyard », quatrième livre de l’Emile. Cette œuvre devait sceller contre Rousseau l’alliance du « fanatisme athée », comme il a dit, et du « fanatisme dévot ». Les passions étaient alors montées à un paroxysme, où s’annonçaient tous les symptômes d’une furieuse guerre civile. La publication de « l’Encyclopédie » avait mis le feu. Les deux partis déchaînés, chrétiens et philosophes, s’entredéchiraient, « comme des loups enragés ». « Il ne manquait peut-être à l’un et l’autre, écrit Rousseau, que des chefs remuants qui eussent du crédit, pour dégénérer en guerre civile, et Dieu sait ce qu’eût produit une guerre civile de religion, où l’intolérance la plus cruelle était au fond la même des deux côtés. » Rousseau, qui souffrait de cette atmosphère empoisonnée, voulait justement, dans sa « Nouvelle Héloïse », dans son « Emile » et sa « Profession de foi », apporter la paix

    Et Rousseau eut toutes raisons de s’en indigner. — « Mon livre, dit-il, attaque tous les gouvernements et il n’est proscrit dans aucun. Il en établit un seul, il le propose comme exemple, et c’est dans celui-là qu’il est brûlé… Quoi ! le magistrat de Genève punit son propre citoyen d’avoir préféré les lois de son pays à toutes les autres ! »

    (Lettres de La Montagne, L. VI).