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jean-jacques rousseau

laquelle Hume livra, sans attendre, à l’animosité acharnée des Encyclopédistes et à la malveillance du monde entier, le secret de la mésentente et les confidences de Rousseau, il justifia ses soupçons.

Ce dernier coup acheva d’égarer la pauvre tête délirante. Rousseau, pris de terreur panique, fuit de l’Angleterre (mai 1767), fuit à travers la France, de lieu en lieu, comme traqué[1]. Au paroxysme de la folie, il terminait chacune de ses lettres par le cri : « Je suis innocent ». On le laissa retourner à Paris, où il s’installa dans un pauvre logement de la rue Plâtrière, gagnant sa vie en copiant de la musique.

Il avait écrit ses « Confessions », dont la dernière page est de pure folie, et il en avait donné lecture à quelques amis. Mais ceux qui redoutaient de s’y voir dénoncés, — et, la première de tous, Mme d’Epinay, — firent interdire ces lectures par la police ; et le cabinet noir intercepta ses lettres. Ce n’était pas le moyen de calmer sa frénésie ! Seul avec lui-même, — « plus seul au milieu de

  1. Il songea même à fuir en Amérique, ou dans les îles de l’Archipel, à Chypre, en n’importe quel coin perdu de la Grèce, sous la protection du Grand-Turc, à l’abri de « la cruelle charité chrétienne ». (Lettre du 5 octobre 1768).

    En vérité, il était toujours sous le coup de sa condamnation de prise de corps ; et ses amis, même le prince de Conti, étaient inquiets. Il devait déguiser son nom.