mis, l’Eglise et l’Etat de Genève, et qui faisaient, au nom du vrai christianisme, le procès aux pharisiens du protestantisme réformé. Tous les pasteurs accusèrent le coup. Le temple de Motiers lui fut fermé, la communion refusée, il fut en chaire dénoncé comme l’Antéchrist, on ameuta le peuple contre lui, dans les campagnes on lui jeta des pierres, on le menaça du fusil. Une agression nocturne de sa maison le contraignit à partir précipitamment, en septembre 1765. Et après un arrêt d’un mois à l’île Saint-Pierre, dans le lac de Bienne, où il eût voulu passer le reste de sa vie (il a conté ce trop bref séjour, dans une des plus belles « Rêveries du Promeneur solitaire »), Berne lui intima l’ordre d’en sortir. Il dut de nouveau fuir. Fuir de la Suisse, sa patrie, qui le rejetait, et qu’il nommait maintenant une « terre homicide ».
Il traversa Paris, où il n’avait pas le droit de séjourner, et, accueillant l’invitation qui lui était faite par l’historien anglais David Hume, il se rendit en Angleterre, à Londres (janvier 1766), puis à Wootoon, dans le comté de Derby. Mais Hume et Rousseau étaient les moins faits pour se comprendre : et Hume, par sa froideur ironique, par son attitude ambiguë et ses complaisances cachées avec les pires ennemis anglais et français de son hôte, alarma, puis affola la sensibilité malade de Rousseau. Son imagination vit dans Hume un des agents de la conspiration tramée contre lui ; et par la coupable indiscrétion avec
