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discours sur l’origine de l’inégalité

nouveaux besoins, assujetti pour ainsi dire à toute la nature, et surtout à ses semblables, dont il devient l’esclave en un sens, même en devenant leur maître : riche, il a besoin de leurs services ; pauvre, il a besoin de leurs secours ; et la médiocrité ne le met point en état de se passer d’eux. Il faut donc qu’il cherche sans cesse à les intéresser à son sort, et à leur faire trouver, en effet ou en apparence, leur profit à travailler pour le sien : ce qui le rend fourbe et artificieux avec les uns, impérieux et dur avec les autres, et le met dans la nécessité d’abuser tous ceux dont il a besoin quand il ne peut s’en faire craindre, et qu’il ne trouve pas son intérêt à les servir utilement.

…Concurrence et rivalité d’une part, de l’autre opposition d’intérêts, et toujours le désir caché de faire son profit aux dépens d’autrui : tous ces maux sont le premier effet de la propriété et le cortège inséparable de l’inégalité naissante.

Il n’est pas possible que les hommes n’aient fait enfin des réflexions sut une situation aussi misérable et sur les calamités dont ils étaient accablés. Les riches surtout durent bientôt sentir combien leur était désavantageuse une guerre perpétuelle dont ils faisaient seuls tous les frais.

…Destitué de raisons valables pour se justifier, et de forces suffisantes pour se défendre ; écrasant facilement un particulier, mais écrasé lui-même par des troupes de bandits ;