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du contrat social

et les lois n’étant que des actes authentiques de la volonté générale, le souverain ne saurait agir que quand le peuple est assemblé.

Sitôt que le service public cesse d’être la principale affaire des citoyens, et qu’ils aiment mieux servir de leur bourse que de leur personne, l’état est déjà près de sa ruine. Faut-il marcher au combat, ils paient des troupes et restent chez eux ; faut-il aller au conseil, ils nomment des députés et restent chez eux. A force de paresse et d’argent, ils ont enfin des soldats pour asservir la patrie, et des représentants pour la vendre.

L’attiédissement de l’amour de la patrie, l’activité de l’intérêt privé, l’immensité des états, les conquêtes, l’abus du gouvernement, ont fait imaginer la voie des députés ou représentants du peuple dans les assemblées de la nation. C’est ce qu’en certains pays on ose appeler le tiers état. Ainsi l’intérêt particulier de deux ordres est mis au premier et au second rang ; l’intérêt public n’est qu’au troisième.

La souveraineté ne peut être représentée, par la même raison qu’elle ne peut être aliénée ; elle consiste essentiellement dans la volonté générale, et la volonté générale ne se représente point : elle est la même, ou elle est autre, il n’y a point de milieu. Les députés du peuple ne sont donc ni ne peuvent être ses représentants ; ils ne sont que ses commissaires ; ils ne peuvent rien conclure définitivement. Toute loi que le peuple en