Page:Rolland - Pierre et Luce.djvu/120

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Il le savait aussi, c’est pourquoi il n’avait pas honte de son égoïsme. La vague de mort allait le prendre. Il ne lui devait donc rien d’avance. Rien. Que la mort repassât au terme de sa créance ! Jusque-là, qu’elle se tût ! Ah ! jusque-là du moins, il ne voulait rien perdre de ce temps merveilleux ; chaque seconde était un grain d’or, et il était l’avare qui palpe son trésor. C’est à moi, c’est mon bien. Ne touchez pas à ma paix, à mon amour ! C’est à moi, jusqu’à l’heure… Et quand l’heure viendra ? — Peut-être qu’elle ne viendra pas ! Un miracle ?… — Pourquoi pas… ?

En attendant, le fleuve des heures et des jours continuait de couler. À chaque nouveau tournant, se rapprochait le grondement des rapides. Dans la barque, étendus, Pierre et