Page:Rolland - Pierre et Luce.djvu/27

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Le seul qui pût comprendre les angoisses du jeune garçon était son frère aîné. Pierre avait pour Philippe cette adoration, qu’ont souvent les petits (mais qu’ils cachent jalousement) pour l’aîné, frère ou sœur, compagnon étranger, parfois même vision d’une heure, disparue, — qui réalise, à leurs yeux, le rêve tout ensemble de ce qu’ils voudraient être et de ce qu’ils voudraient aimer : ardeurs chastes et troubles de l’avenir aux courants mêlés. Le grand frère s’était aperçu de ce naïf hommage, et il en était flatté. Naguère, il tâchait de lire dans le cœur du petit et le lui expliquait, avec des ménagements : car, bien que plus robuste, il était, comme lui, de cette pâte fine qui, chez les meilleurs hommes, garde un peu de la femme, et qui n’en rougit pas. Mais la guerre