Page:Rolland - Pierre et Luce.djvu/28

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était venue et l’avait arraché à sa vie de travail, à ses études de sciences, à ses rêves de vingt ans, et à l’intimité avec le jeune frère. Il avait tout laissé, dans l’idéalisme enivré du début, comme un grand oiseau fou, qui se lance dans l’espace, avec l’illusion héroïque et absurde que son bec et ses serres mettront fin à la guerre et restaureront sur terre le règne de la paix. Depuis, le grand oiseau était, deux ou trois fois, rentré au nid ; à chaque fois, hélas, un peu plus déplumé. Il était revenu de bien des illusions, mais il s’en trouvait trop mortifié pour le dire. Il avait honte d’y avoir cru. Sottise de n’avoir pas su voir la vie comme elle est ! Il s’acharnait maintenant à la désenchanter, et, quelle qu’elle fût, stoïque, à l’accepter. Il ne se châtiait pas seulement lui-