Page:Rolland Clerambault.djvu/38

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Mais c’était comme une supplication secrète, pour que Maxime affirmât, pour que Maxime redoublât. Les nouvelles apportées ajoutaient encore au chaos, y mettaient le comble, mais en même temps, elles commençaient à diriger les forces éperdues de l’esprit vers un point fixe. Le premier aboiement du chien qui groupe le troupeau.

Clerambault n’eut plus qu’un désir : rejoindre le troupeau, se frotter aux bêtes humaines, ses frères, sentir comme eux, agir comme eux. — Bien qu’il fût épuisé par la veille, il alla, malgré sa femme, prendre avec Maxime le train pour Paris. Ils attendirent longuement à la gare, puis dans le train. Les voies étaient encombrées et les wagons remplis. Dans l’agitation commune, celle de Clerambault trouvait un apaisement. Il interrogeait, il écoutait ; tous fraternisaient. Et tous, sans trop savoir encore ce qu’ils pensaient, sentaient qu’ils pensaient de même : la même énigme, la même épreuve les menaçaient ; mais on n’était plus tout seul pour en venir à bout, ou pour succomber sous elles : cela rassurait un peu ; on sentait la chaleur les uns des autres. Plus de distinction de classes : ni ouvriers ni bourgeois ; on ne regardait plus aux habits, ni aux mains ; on regardait aux yeux, où palpitait la même lueur de vie, qui vacillait sous la même approche de la mort. Et tous ces pauvres gens étaient si visiblement étrangers aux causes de la catastrophe, à cette fatalité suspendue, que le sentiment de leur innocence les amenait enfantinement tous à chercher les coupables, ail-