Page:Rolland Clerambault.djvu/37

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que cela ne fut pas ! Tout, plutôt qu’une telle vérité ! Mais la vérité dévorante se terrait derrière la porte qui s’ouvrait. Toute la nuit, Clerambault lutta, pour repousser la porte…

Jusqu’à ce que, vers le matin, commença de poindre un instinct animal, venu on ne sait d’où, qui faisait dévier le désespoir vers le sourd besoin de lui trouver une cause précise et limitée, d’objectiver le mal dans un homme, dans un groupe d’hommes, et de se décharger colériquement sur eux de la misère de l’univers… Ce ne fut encore qu’une brève apparition, — premiers effluves lointains d’une âme étrangère, obscure, énorme, impérieuse, prête à faire irruption, — de l’Âme multitudinaire…

Elle prit forme avec l’arrivée de Maxime, qui en rapportait le suint, toute la nuit ramassé dans les rues de Paris. Tous les plis de ses vêtements, tous les poils de son corps en étaient imprégnés. Harassé, exalté, il ne voulait pas s’asseoir, il ne songeait qu’à repartir. Le décret de mobilisation paraîtrait aujourd’hui. La guerre était certaine. Elle était nécessaire. Elle était bienfaisante. Il fallait en finir. L’avenir de l’humanité était en jeu. Les libertés du monde étaient menacées. Ils avaient escompté le meurtre de Jaurès, pour semer les divisions et soulever l’émeute dans la patrie attaquée. Mais toute la nation se dressait, serrée autour de ses chefs. Les jours sublimes de la grande Révolution allaient renaître… Clerambault ne discutait pas ces assertions ; à peine disait-il :

— Tu crois ? Tu es bien sûr ?