Page:Rolland Clerambault.djvu/70

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saveur inattendue dans les privations et les épreuves de sa vie nouvelle. Émerveillé de lui-même, il en faisait parade dans ses lettres gentiment fanfaronnes, qui ravissaient le cœur de ses parents. Ni l’un ni l’autre n’était Cornélien, et la pensée d’immoler leur enfant à une idée barbare leur eût causé de l’horreur. Mais la transfiguration de leur cher petit, qui s’était subitement mué en héros, leur causait une plénitude de tendresse qu’ils n’avaient jamais éprouvée. L’enthousiasme de Maxime leur communiquait, en dépit de l’inquiétude, une ivresse. Il les rendait ingrats pour la vie de naguère, la bonne vie paisible, affectueuse, des longs jours monotones. Maxime exprimait pour elle un amusant dédain. Elle lui semblait ridicule, après qu’on avait vu ce qui se passait « là-bas »… « Là-bas », on était content de dormir trois heures par nuit, à la dure, ou sur une botte de paille, la semaine des quatre Jeudis ; — content de déguerpir, à trois heures du matin, pour se réchauffer avec trente kilomètres de marche, sac au dos, et prendre un bain de sueur, qui durait huit à dix heures ; — content, surtout content de rencontrer l’ennemi, afin de souffler un peu, couché derrière un talus, en canardant le Boche… Ce petit Cyrano disait que le combat reposait de la marche. Quand il contait un engagement, on eût dit qu’il était au concert, ou bien au cinéma. Le rythme des obus, le bruit de leur départ et celui de leur éclatement, lui rappelaient les battements de timbales dans le divin scherzo de la Neuvième Symphonie. Aussitôt que les moustiques d’acier, espiègles, impérieux, rageurs,