Page:Rolland Clerambault.djvu/74

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ne s’en apercevaient pas ; ils attribuaient son silence à la fatigue et aussi à la faim. Clerambault parlait d’ailleurs pour deux. Il racontait à Maxime la vie des tranchées. La bonne madame Pauline était devenue une Cornélie de Plutarque. Maxime les regardait, mangeait, les regardait : un fossé était entre eux.

À la fin du repas, quand, rentrés dans le cabinet du père, ils le virent installé dans un fauteuil et fumant, il fallut bien en venir à satisfaire l’attente de ces pauvres gens. Il commença donc à décrire sobrement l’emploi de ses journées ; il mettait une pudeur à écarter de son récit tout mot exagéré et les images tragiques. Ils écoutaient, palpitants d’attente. Ils attendaient toujours, quand il avait fini. Alors, ce fut de leur part un assaut de questions. Maxime y répondait, en quelques mots, vite éteints, Clerambault essaya de réveiller « son gaillard », lui poussa jovialement quelques bottes :

— Voyons, raconte un peu… Un de vos engagements… ça devait être beau !… cette joie, cette foi sacrée !… Cristi !… Je voudrais voir cela, je voudrais être à ta place !…

Maxime répondit :

— Pour voir toutes ces belles choses, tu es mieux à la tienne.

Depuis qu’il était dans la tranchée, il n’avait pas vu un combat, à peine un Allemand ; il avait vu la boue, et il avait vu l’eau. — Mais ils ne le croyaient pas. Ils pensaient qu’il parlait ainsi par esprit contrariant, selon son habitude d’enfant.