Page:Rolland Clerambault.djvu/79

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pâtisseries fermées, lui inspiraient un dégoût, un ennui, une pitié sans fond, pour cette race de l’arrière. Elle lui était étrangère.

Il se renferma dans un silence énigmatique, souriant et sombre. Il n’en sortait que par accès, quand il pensait au peu d’instants qu’il lui restait à partager avec ces pauvres gens qui l’aimaient. Alors il se mettait à causer avec animation. N’importe de quoi. L’important était de donner de la voix, puisque l’on ne pouvait plus donner sa pensée. Et naturellement, on retombait sur les lieux-communs du jour. Les questions générales, politiques, militaires, tenaient la première place. Ils auraient pu aussi bien lire tout haut leur journal. « L’écrasement des Barbares », le « triomphe du Droit » remplissaient les discours, la pensée de Clerambault. Maxime servait la messe et disait, aux temps d’arrêt, le « cum spiritu tuo ». Mais tous deux attendaient que l’autre commençât à parler

Ils attendirent si longtemps que le jour de la séparation vint. Peu avant son départ, Maxime entra dans le cabinet de son père. Il était résolu à s’expliquer :

— Papa, es-tu bien sûr ?

Le trouble qui se peignit sur le visage de Clerambault l’empêcha de continuer. Il eut pitié, il demanda si son père était bien sûr de l’heure du départ. Clerambault accueillit la fin de la question avec un soulagement trop visible. Et quand il eut donné les renseignements, — que Maxime n’écoutait pas, — il enfourcha de nouveau son dada oratoire et se lança dans ses habituelles déclamations idéalistes. Maxime, découragé,